dimanche 17 mars 2013

Des nouvelles du Mali

Malimail, Bamako/Bergen, mars 2013.

Tout d'un coup, à cause de la crise, on parle chaque jour du Mali dans les journaux, mais les
problèmes n'ont pas commencé avec le coup d'état militaire de l'année passée. Depuis beaucoup
plus longtemps, le nord du Mali a été une région impossible à maîtriser où les islamistes et les
touaregs se disputaient le pouvoir. Depuis toujours, la corruption est un grand problème. Au
début, quelques-uns ici voyaient même dans le coup d'état le début possible d'une solution.
Rapidement, il est apparu comme un pas de plus vers la crise montante.

L'intervention française a été accueillie avec joie par la population. Les troupes françaises ont
très rapidement réussi à regagner sur les rebelles la région du désert, au nord. C'était de bonnes
nouvelles pour les gens des villes libérées. Pour autant, les problèmes au Mali ne sont pas résolus.
Les rebelles répondent aux combats avec des armes modernes. Ils n'ont pas subitement disparu,
pas plus que le malaise de la population locale du nord avec le gouvernement faible basé dans le
lointain Bamako. Fin juillet sont prévues des élections démocratiques pour élire le nouveau
président. Espérons que la démocratie, bien que faible, recevra une nouvelle impulsion.
Nous sommes convaincus que – justement dans ces conditions – une petite structure comme
Malikanu doit rester présente. La crise a poussé Mahamane à Bamako à lancer une toute nouvelle
initiative dont nous reparlerons plus loin. D'abord, les résultats des projets en cours.

À Endéwo, les Bogolans.
Au cours de la période passée, on a travaillé dur à Endéwo pour la création des bogolans. Ce sont
de gros tissus de coton, teints avec des teintures naturelles comme la terre, l'argile, le charbon
et les extraits de plantes. Au Mali, ils sont utilisés comme vêtement, literie ou rideaux. En
Europe, nous les utilisons plutôt comme dessus de lit décoratif ou comme tapisserie. Avec le
soutien de Malikanu, les femmes ont transformé des sacs entiers de petites boules de coton,
elles les ont filées puis elles ont tissé ces tissus magnifiques. Amadou lui-même a amené 19
bogolans à Bamako. Nous les ramènerons au printemps pour les vendre et le produit de la vente
sera évidemment pour les femmes d'Endéwo.

À Bandiagara.
À Bandiagara, le programme des mères adolescentes se poursuit normalement. Les filles des
années précédentes restent liées au projet. Le thème pour lequel nous nous investissons là-bas –
faire en sorte que les mères adolescentes puissent finir leur scolarité – devient ainsi de plus en
plus connu à l'école. Finalement, l'idée qu'il est important que les filles ne tombent pas enceinte
si jeunes fait son chemin. Timothée m'a appelée récemment, consterné, pour me raconter qu'une
des filles avait eu un accident avec son bébé. En récoltant des cacahuètes, son bébé sur le dos,
elle a été frappée de la foudre. Une cérémonie d'adieu pleine d'émotion a eu lieu avec ses
parents à l'école .

Pompe à eau à Bandiagara.
Jamila et Guus Brummel ont entrepris pour la troisième fois leur propre action pour le Mali.
Cette année, ils ont envoyé leurs voeux de Noël par e-mail, ainsi ils ont économisé 350 € qu'ils ont
donnés à Malikanu. Nous les avons investis dans une pompe à eau pour un village près de
Bandiagara. Les habitants de ce petit village vivent – à part la culture habituelle du millet et
l'élevage de quelques têtes de bétail - de la récolte d'oignons, de salade et de tomates. Ils
cultivent en coopérative. L'arrosage des champs prend beaucoup de temps et est très dur. La
pompe va permettre d'agrandir notablement la parcelle cultivée.

À Bamako.
À Bamako, le projet des microcrédits de 2012 arrive à sa fin. Les femmes qui participaient pour
la deuxième année au cours d'alphabétisation, et qui ont remboursé leur microcrédit pour la
deuxième fois, continuent maintenant en se suffisant à elles-mêmes. Les femmes qui ont
participé pendant une première année passent à la deuxième et nous complétons ce groupe avec
de nouvelles venues. Quelques femmes de l'année passée ne continueront pas car elles n'étaient
pas assez présentes au cours d'alphabétisation. La plupart des participantes ont investi leur
crédit dans un petit commerce de sous-vêtements, patates, médicaments, fruits ou charbon de
bois. Les emprunts des microcrédits ont été effectivement remboursés, ainsi nous pouvons
répondre à de nouvelles demandes. Pour les intéressés, un rapport du projet est disponible sur
demande.

Le nouveau projet : des jeunes prennent des responsabilités dans leur quartier.
Inspiré par la crise, Mahamane, notre responsable de projet à Sikoroni (Bamako), se fait fort
d'un changement de comportement des jeunes. Choqué par la corruption et le manque de
responsabilité de l'actuelle génération d'hommes politiques, il veut s'investir pour les jeunes. Il
veut leur inculquer un sentiment de responsabilité et de solidarité.
Mahamane a commencé par créer un CLAEF (Club d'action par et pour les enfants) dans les
écoles de 12 quartiers de Bamako. Il enseigne aux enfants du club, entre autres choses, leurs
droits et leurs devoirs. Il traite de choses pratiques comme l'initiative d'une journée
d'assainissement, de rangement et de ménage dans le quartier.

Ces enfants apportent leurs connaissances dans leurs classes et les partagent avec d'autres
enfants en donnant le bon exemple, en prenant des initiatives, en discutant. Chaque club adopte
aussi un orphelin. À chaque réunion, chacun donne un peu d'argent (quelques centimes), des
vêtements, des chaussures, etc. Il ne s'agit pas seulement d'aider mais surtout de leur donner
la notion d’entraide.

Mahamane est persuadé que – à long terme – seul un changement de mentalité pourra apporter
une vraie solution aux problèmes au Mali. Il s'engage profondément dans ce projet. Dans huit
quartiers, les CLAEF ont commencé à fonctionner, toujours en coopération avec des organisations
existantes. Il enseigne d'abord les moniteurs des jeunes locaux, puis les enfants. Comme il a
beaucoup d'expérience de ce travail et un rayonnement évident, il parvient toujours à capter
l'attention des enfants qui sont suspendus à ses lèvres.

Il n'y a pas beaucoup de frais : des cahiers et des stylos pour les enfants, une friandise et une
petite boisson, le remboursement des frais de Mahamane et des autres instructeurs.
Nous sommes très enthousiasmés par ce projet et nous nous chargeons de ces frais modestes
dans trois des quartiers. Bientôt, il y aura une vidéo sur YouTube avec des images filmées
pendant un cours, suivie d'une interview avec Mahamane.

Amicalement, la direction de Malikanu.

PS: Wendela Engelhard est restée tout l'hiver passé à Bamako. Elle est en contact direct avec
l'ambassade des Pays-Bas et elle prend les précautions nécessaires pour minimiser les risques, en
particulier les risques d'enlèvement.
Wendela : “ Je trouve qu'il est important, surtout maintenant, d'être ici aux côtés de nos
responsables de projet. Ma petite maison est à l’extérieur de la ville, dans un petit chemin sans
issue. Je n'y suis jamais seule et tout le monde fait très attention. Je me sens ici en sécurité.
Quand on est ici depuis longtemps et qu'on a assisté aux événements avec les autres, un lien se
crée. Des amis et des connaissances ont à endurer beaucoup plus que moi. À cause de la crise, ils
n'ont plus de travail ou leur famille habite dans le nord avec tous les risques que cela implique.
Pour eux, partir n'est pas du tout une option”.